lundi, janvier 26, 2015

Six Principes pour l'Entreprise 3.0


Je viens de mettre en ligne mon exposé sur l’entreprise 3.0 fait la semaine dernière à l’invitation de X-SHS (Groupe X – Sciences de l’Homme et de la Société). J’avais utilisé le terme d’ « Entreprise 3.0 » dans mon billet de l’an dernier pour représenter le courant convergent autour d’une nouvelle définition de l’entreprise, illustré par exemple par le livre de Brian Mc Carney et Isaac Getz, « L’Entreprise Libérée ».

J’ai utilisé l’opportunité de cette présentation pour mettre de l’ordre et de la structure dans mes idées, et aller un peu plus loin dans l’analyse pour identifier les principes communs à cette « Entreprise 3.0 » parmi tous les livres qui participe de ce courant de pensée (et la liste ne fait que s’allonger). Je vous laisse regarder les slides, j’ai utilisé un plan simple :
  • Les symptômes qui permettent de constater que le modèle de l’entreprise Taylorisée classique ne fonctionne plus aujourd’hui. Je ne vais pas en parler ici, le consensus est maintenant évident, les livres de François Dupuy en donnant la meilleure illustration.
  • Les causes profondes, que je lie à l’augmentation de la complexité de notre environnement du 21e siècle. C’est le sujet permanent de ce blog, et c’est également le sujet de mon livre « Processus et Entreprise 2.0 », donc je n’y reviens pas. D’autant plus que ce sujet est brillamment expliqué par Yves Morieux, dont je vous recommande le TED talk.
  • Les principes de l’Entreprise 3.0, qui s’attaquent à ces causes profondes. Autrement dit, comment vivre avec la complexité ? Je vais y revenir un peu plus loin. Comme nous le propose Nassim Taleb, il s’agit de « savoir vivre avec la complexité sans chercher à la résoudre, ni même à la comprendre ». Ce billet, pour une fois, sera court car j'ai déjà développé ces principes dans d'autres écrits.
  • La dernière partie est beaucoup plus agréable à raconter qu’à écrire, puisqu’elle traite de pratiques. Par essence, il n’existe pas de méthode pour construire une « entreprise 3.0 », on ne peut que la « cultiver ». C’est une transformation « bottom-up », c’est le management de l’émergence. Comme la version mise en ligne ne contient pas les images de ma conférence (je n’ai pas les droits), c’est un peu aride. Cette quatrième partie de l’exposé illustre six des groupes de pratiques que l’on observe dans ces entreprises « libérées ».
Je vais donc plutôt commenter la 3e partie, à savoir les principes, puisque c’est la contribution la plus originale de l’exposé. Je travaille pour instant sur une liste de six principes généraux (avec pas mal de substance autour de chacun) qui me semble couvrir l’essentiel de cette nouvelle forme d’organisation, mais c’est un choix personnel, sur lequel je reviendrai dans un prochain billet. Autrement dit, ces 6 principes ne couvrent pas tout ce qui s’écrit sur le sujet des entreprises « libérées », « exponentielles », « en réseau », « l’holacratie », le « beta-codex », etc. mais seulement le sous-ensemble auquel j’adhère par ce qu’il est consistant avec mon expérience personnelle. Je vous fait grâce des fondements théoriques, que j'ai développés ailleurs, mais il sera clair à la lecture que ces sic principes sont issus d'une analyse systémique tirée des systèmes complexes :

  1. Une vision unique, comprise et partagée par tous, distribué à tous les composants de l’entreprise. Une finalité unique (holacratie) que chacun décline localement en fonction de son contexte et ses moyens, en vertu du principe d’holomorphisme des systèmes complexes.
  2. Cette vision passe par le co-développement avec le client d’une expérience qui lui apporte une véritable satisfaction. C’est bien sur le message central du Lean Startup : dans un environnement complexe, la satisfaction et la véritable innovation se co-construisent de façon itérative, pour faire émerger une solution à un « problème » qui se révèle progressivement, par opposition au monde compliqué pour lequel la spécification du problème est accessible. 
  3. Ce co-développement est assuré par un réseau d’équipes autonomes et cross-fonctionnelles. Ces équipes fonctionnent de façon synchrone, c’est-à-dire une véritable collaboration physique, avec une unité de lieu et de temps. Je me suis expliqué à ce sujet dans le billet sur le travail du futur :  L’entreprise 3.0 repose sur la force des liens forts.
  4. Le « control & command » est remplacé par « recognition & response », la prévision est remplacée par la mesure et la réaction. L’entreprise 3.0 adopte l’approche agile : travailler par petits lots et réajuster constamment ses actions en fonction de l’évolution de l’environnement.
  5. L’entreprise 3.0 s’inscrit dans un écosystème de partenaires, autour d’une vision précise de sa mission pour son client. L’entreprise 3.0 est une plateforme qui sait attirer les contributions venant de l’extérieur : elle fait émerger une forme d’innovation ouverte. Pour ce faire, elle favorise la simplicité et l’excellence : faire peu de choses, mais les faire le mieux possible.
  6. L’entreprise 3.0 est anti-fragile car elle apprend continûment des changements de son environnement. Elle s’organise pour que les équipes apprennent le maximum des problèmes rencontrés, à la fois des opportunités d’enrichir les compétences métiers en continu, mais aussi la compétence fondamentale de collaboration. 

J’ai donné en Novembre une conférence à Euro-CIO à Bruxelles, sur le thème de la transformation digitale des systèmes d’information, qui est une transposition exacte des mêmes principes dans domaine du logiciel. A partir des mêmes constats sur la complexité, je propose d’appliquer les principes des « Géants du Web » qui sont l’application de ces 6 principes au monde du système d’information, avec un ensemble de pratiques qui est très semblable à celles que j’ai proposé pour X-SHS.

Les billets précédents montrent d’ailleurs que la bibliographie s’est enrichie, qu’il s’agisse de « Lead with Respect » ou de « Management 3.0 ». Je suis en train de terminer deux autres livres qui s’inscrivent également dans cette approche :

J’aurai l’occasion de revenir sur ces livres, qui font plus que décrire les fondations de l’entreprise 3.0: chacun d’eux apporte un éclairage propre, avec des angles qui peuvent être discutables. Ce qui me semble clair néanmoins, et qui l’est de plus en plus avec chacune de ces contributions, c’est le caractère inexorable de cette transformation. C’est ce que j’ai essayé d’exprimer dans la conclusion de mon exposé à X-SHS, ce nouveau type d’organisation est le seul capable de :

  1. Fournir un rythme durable d’innovation en adéquation avec les exigences de l’environnement et en capturant la valeur des écosystèmes ouverts,
  2. Permettre d’utiliser les nouvelles technologies et méthodes de développement logiciel, afin de pouvoir lutter à armes égales avec les barbares,
  3. Résister aux changements exponentiels de notre environnement, en particulier ceux de l’automatisation intelligente et des robots autonomes.

5 commentaires:

  1. Vous parlez de subsidiarité, d'intelligence collective, de consentement, mais sans jamais utiliser ces mots. Est-ce volontaire?

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Non, j'utilise les deux premiers mots dans certains de mes écrits ou de mes discours. J'utilise moins souvent consentement - cela traduit l'influence de mes lectures ...

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  2. ParisTechReview consacre plusieurs articles sur le travail et l'entreprise de demain. Les collectifs éphémères ont quelques chances de se multiplier, centrés sur un projet. Certains liens avec les préoccupations de ce blog.

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    1. Oui, et c'est une très bonne sélection ! beaucoup de liens avec les préoccupations de ce blog (en particulier du billet précédent).

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